. Pour-ce-faire, Pour fabriquer la pâte d'indigo, une première macération des feuilles se fait alors dans une eau de pluie chauffée au soleil, pendant deux ou trois jours, suivie d'un mélange des plantes essorées avec de la chaux pendant trente minutes ; cette opération se répète six fois, compte tenu des typhons et du risque que la pâte ne tourne. À nouveau le praticien, remerciant les végétaux lorsqu'il les cueille, élabore des rites en fonction d'une connaissance intimement liée à la fois l'expérience des climats et à la connaissance de leur imprédictibilité

S. Takeshi, (. Kinuta, . Le-miyako, and . Jôfu, 15 Août, 2006.

, Même si de nombreuses règles -de l'ordre de la poétique-sont instaurées au plus local, et cela aussi bien pour l'indigo que pour toute extraction de colorant végétal (voire animal), il subsiste néanmoins un nombre de facteurs aux variables non négligeables qui confèrent aux couleurs obtenues un caractère vivant, mouvant, voire aléatoire. Ainsi, au-delà des règles préétablies et d'une certaine linéarité -processus régulé en fonction d'une connaissance transmise et appropriée, d'un patrimoine vivant défini et redéfini en fonction d'expériences répétées-il est néanmoins possible de pointer chez les teinturiers des va-et-vient entre différentes étapes [telles que mordancer / teindre / « fixer » (solution de sels métallique ou autre) ou non, rincer / lessiver / sécher] -voire des inversions des étapes, Concernant la teinture à l'indigo on discerne donc trois phases primordiales au sein de la cuve : macération, fermentation, neutralisation

, Mieko Sunagawa est l'une d'entre eux. Son atelier tinctorial s'étire de la cuisine au jardin, s'adonnant à la culture de l'indigo dans un champ voisin, laissant mijoter des feuilles de fukugi (Garcinia subelliptica) pour obtenir du jaune, et inventant un battoire propice à l'oxygénation de l'indigo en recyclant sa machine à laver. Observer cette femme permet d'exemplifier l'intervention du hasard comme « paramètre acteur » de l'instauration tinctoriale, et ce à différents niveaux du processus. Si la teinture et la cuisine sont des pratiques qui permettent toutes deux de mettre en relation des recettes (lieu de la connaissance, de l'expérience, de la mémoire, rencontrer des artisans qui s'échappent du rituel et s'adonne au jeu du hasard

, son potager pour y cueillir ce qui permettra d'obtenir les couleurs ou les mets désirés, ces disciplines en appellent toutes deux au hasard, voire au chaos, auquel ce qui se passe dans la cuve ou le faitout lui-même renvoie à un « x antérieur à toute idée d'ordre ou de désordre, p.72, 1971.

S. Mieko, Teinture végétale & Tissage, 16 Août, 2006.

. De-ce-point-de-vue, Certes l'absence de tout référentiel est ici localisé (dans la cuve du teinturier ou le faitout du cuisinier -hors c'est bien là que « tout » se passe), mais (si cette absence n'est cependant pas ignorée), elle permet néanmoins de transformer l'ensemble de l'instauration tinctoriale, ou plutôt d'en comprendre le caractère non maîtrisable, imprévisible, obscur (au même titre que d'en connaître les règles, la poétique liée à la connaissance transmise et résultant de l'expérience). Et c'est justement ce hasard que Mieko Sunagawa a non seulement constaté dans sa pratique, mais qu'elle a aussi « laissé s'épandre », dépassant le tragique d'un tel constat, au sein de sa poïétique. Élargissant ses expérimentations, ouvrant sa liberté de « jouer avec », et permettant à l'invention de naître, évinçant le problème de la résistance propre à la « maîtrise des gestes » et aux traditionnels enseignements, bref, lui donnant l'opportunité de s'émanciper de tout dogme solidement lié au métier de la teinturerie au Japon. Liberté qui participe aussi à son engouement à transmettre. Engouement généreux et spontané qui s, qui correspond ici davantage au quatrième niveau de définition synthétisée par Clément Rosset (Rosset, pp.74-78, 1971.