N. Adell, Gestes techniques et savoir-faire », Prototypes, pp.58-60

, techniques, se font face depuis : d'un côté, l'idée du meilleur exemplaire d'une série ou d'une catégorie (comme c'est également le cas du concept de « prototype » en linguistique) et du modèle dont les suites sont toujours des imitations moins parfaites

, D'une part, il s'agira d'assurer le maintien de l'idéal (prototype-modèle) et la transmission des gestes qui ont donné lieu au premier exemplaire, ce qui façonne une tradition d'apprentissage imitatif ou, au moins, à variations très contrôlées. D'autre part, le savoir-faire sera au contraire le signifiant de tout ce qui permet le progrès vers un idéal (prototype-brouillon) qui n'est qu'amorcé par une idée à peine matérialisée, et se déploiera de ce fait dans le refus de la répétition stricte et la quête de la nouveauté. Or, dans nos sociétés, ces deux démarches sont à l'oeuvre la plupart du temps dans des mondes séparés : la première dans celui gouverné par les principes de patrimonialisation et l'idée que l'on vit dans un monde crépusculaire où il faut sauvegarder les « derniers », et dont l'opération intellectuelle paradigmatique est « retrouver » ; la seconde se situant dans un monde où règnent la course à l'innovation et les ingénieurs

, par des voies contraires, la dynamique permanente des savoir-faire, leur impossible immobilité en même temps que leur nécessaire ancrage dans une tradition ? N'y a-t-il pas dans tout « retrouver », une nécessaire recréation et réappropriation, puisque « pour que tout demeure, il faut que tout change » comme le dit Tancrède Falconeri dans Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa ? Et toute invention n'est-elle pas d'abord faite de ces petits détournements de pratiques ou d'objets qui disent d'abord la continuité avec le passé avant d'en exprimer la rupture ? Au miroir des prototypes, c'est ainsi le caractère fondamentalement dynamique et ambivalent du rôle et de la place des gestes techniques et des savoir, A-t-on là une opposition irréductible ? Ne s'agit-il pas en fin de compte des deux faces d'un même processus qui dit