Adaptation littéraire et court métrage d’animation, poïétiques de la circularité et de l’écart
Résumé
Le court métrage d’animation fait de l’adaptation d’une œuvre littéraire un acte d’interprétation. L’étude d’un corpus de films de cinéastes plasticiens, réunissant "Le Mariage du Hibou" (1974) de Caroline Leaf, "La Jeune fille et les nuages" (2000) de Georges Schwizgebel, "Schéhérazade" (1995) de Florence Miailhe, permet de souligner la dialectique entre l’adaptation, organisée autour d’une fonction référentielle portée par la logique narrative du texte source et son « monde de référence », et l’adoption, attachée à la spécificité du processus poïétique, à l’autonomie des développements plastiques et à la singularité des propositions esthétiques. Le philosophe Bernard Stiegler repère dans l’opposition entre adaptation et adoption, à l’appui des thèses de Gilbert Simondon et dans le cadre d’une « critique de l’idéologie de l’adaptation », les distinctions entre rapport (entre termes constitués) et relation constituante, de même qu’entre consommateur et amateur, entre usager et praticien. Ces propositions accompagnent le développement actuel des études critiques dans le domaine du design. Le projet de « re-designer le design », associé à un changement de paradigmes aux plans de l’économie industrielle et de la demande sociale, intègre des « attitudes qui permettent à un système de production d’hésiter », valorise un processus de « fabrications divergentes », invite plus fondamentalement à « reconcevoir la conception ».
Ces questions concernent les pratiques expérimentales, artisanales ou de recherche du cinéma d’animation, qui intègrent des processus créatifs et des lignes poétiques en rupture avec les normes de la production industrielle et ses attendus au plan esthétique. La problématique de l’adaptation cinématographique d’œuvres littéraires fait rebondir la question tant l’adaptation de contes, de fables et de légendes, issus de répertoires classiques ou contemporains, ainsi que de poèmes, de nouvelles et de romans, constitue une pratique très répandue dans le domaine du cinéma d’animation, dans ses différentes formes.