La pizza ananas, une faute de goût ?
Résumé
La pizza ananas fait l’objet de nombreuses plaisanteries sur les réseaux sociaux. Si celles-ci peuvent paraître triviales à première vue, elles soulèvent pourtant une vraie question : comment les goûts et dégoûts alimentaires se construisent-ils ? Comment expliquer que ce qui constitue une faute de goût impardonnable pour certains soit source de plaisir pour d’autres ?
Cette communication proposera une réflexion sur la construction des émotions relatives à l’alimentation. Du point de vue constructiviste, ce sont des acquis sociaux et culturels, en partie déterminés par des normes émotionnelles et représentations sociales intégrées au cours de la socialisation. Les goûts et dégoûts alimentaires résultent de l’apprentissage de ces normes dès l’enfance (Le Breton, 1998 ; Merdji, 2002 ; Dupuy, 2013). Le dégoût pour la pizza ananas est alors une réaction apprise et incorporée. L’approche interactionniste ajoute que les émotions dépendent du contexte de la prise alimentaire. Le dégoût pour la pizza ananas se voit alors modulé selon les personnes et la situation en cours. Pour les cognitivistes, les émotions fournissent des informations sur la manière dont l’individu interprète une situation, sur les valeurs et représentations sociales qu’il attache à un objet. Le dégoût provient alors des
représentations et symboles attachés à la pizza ananas.
Revendiquer les aliments sur lesquels on ressent du plaisir, ou du dégoût, c’est aussi communiquer des valeurs, et rendre possible un lien. Se moquer ensemble des mangeurs de pizza ananas, ou au contraire se revendiquer comme tel, marque une identité sociale et culturelle, une appartenance à un groupe. La faute de goût devient ainsi révélatrice de normes sociales, et revêt des enjeux sociaux et identitaires.