Cruauté et violence dans les contes collectés par Joseph Valet en Auvergne auprès de familles manouches
Abstract
La malfaisance est un élément narratif et structurel des contes de transmission orale. La cruauté et la violence, morales tout autant que physiques, sont indispensables à l’intrigue. Le conte manouche échappe-t-il à cette loi ? À partir de la collecte de 49 récits effectuée dans les années 1960-1980 auprès de plusieurs familles par Joseph Valet, aumônier des Manouches d’Auvergne, nous tenterons de répondre à cette question. Après avoir présenté cette œuvre injustement méconnue jusqu’à nos jours, nous décrirons comment se manifestent les éléments cruels et violents mais aussi comment ils se racontent ou ne se racontent pas. Par ailleurs, nous faisons l’hypothèse qu’ils peuvent être mis au rang des critères permettant de caractériser et différencier les deux grands ensembles du répertoire manouche : d’un côté les "xoxene parmise" (contes) qui relèvent des catégories du conte populaire européen, de l’autre les "čače parmise", terme que Valet traduit par « contes réels », autrement dit les récits de croyance. Si nous notons une atténuation des traits de cruauté dans le répertoire des contes (surtout de la cruauté « libératrice » de la justice rendue qui se donne à voir dans le dénouement, se manifestant en principe par le supplice infligé au traître), nous constatons en revanche leur exacerbation sous diverses formes dans les récits légendaires qui le plus souvent racontent la vie passée ou présente des Manouches.